28 junio 2006

19 mai / 8 juillet 2006

18 junio 2006

Qollur Rit'i, l'Etoile des Neiges

Au détour d'une conversation dans une agence de Cuzco on retient les mots Qollur Rit'i. Devant l'église San Pedro à la nuit tombante on est pris dans un défilé des plus étranges : costumes et danses mêlés aux passants, épis de maïs surgissant de la foule en signe de remerciement pour la récolte, porteurs de fouets, étendards, idoles en procession.
C'est sûr Cuzco nous a habitué à ce genre de surprise : on prépare les fêtes du solstice d’été et partout on répète les pas de danse au son de la flûte de pan. Sur les parvis des jeunes femmes aux rubans s’exercent en ronde, et dans de sombres cours d'immeubles on a la vision d'hommes masqués en costume de bureau.
Cette fois ce n'est pas une répétition. Un pèlerinage métisse est sur le départ. Où vont-ils ? On lit sur les banderoles et dans le dos des danseurs : Qollur Rit'i.

C'est décidé, un matin, entre costumes et cierges, nous prenons le bus qui se rend sur les lieux. Route impeccable : 20km/h maxi dans un champ de bosse qui s'étire en lacets périlleux. Les cuzqueños en route pour la croisade balancent par les fenêtres des poupées, des bonbons aux enfants des villages isolés qui se regroupent sur la route, les mains tendues, en criant "dame /donne-moi" ! Visages d'enfants exultants, haineux, déçus, souriants, rêveurs, implorants, moqueurs ou calmes.
Village en ébullition dans lequel nous ne nous attardons pas, nous attrapons nos sacs et le premier sentier pour le sanctuaire. Déjà on entend le tambour, au loin. Un groupe de musiciens se forme, en bas. Ils nous rejoignent, grimpent avec nous puis nous dépassent, soufflants et tapant sans s'épuiser.Nous surplombons une vallée dans laquelle des files interminables de marcheurs se rejoignent pour la procession.

Les tambours résonnent. Les gens ou les bêtes portent des fardeaux énormes (des caisses, des sacs hétéroclites, des structures qui pourraient ressembler à des croix). Les mélopées en boucle des flûtes, trompettes et trombones suivent le battement des tambours mais l’écho rend tout approximatif.
Il pleut mais chacun se prosterne aux stations qui ponctuent le parcours. Gare au fouet pour celui qui ne se découvre pas !
Nous arrivons dans une véritable ville festive dressée pour l'occasion, traversons des étals de babioles où l'on vend pour deux soles des maisons miniatures, des bus ou des voitures en plastique, de fausses liasses de dollars. Tout ça est destiné à aller se faire bénir un coup à l'église qu'on aperçoit plus loin au milieu de la cohue. On traverse des rues composées de chapiteaux et d’auvents où l'on mange, où l'on dort, où l'on se change à l'abri de la pluie et de la boue.

Le hennissement des chevaux donne un peu l’ambiance d’une armée en déroute.
Un panneau : altura/altitude 4200 m.
Et puis...des milliers de tentes couvrent le flanc des montagnes. Nous, hallucinés : ailleurs.

On trouve un petit coin pour poser la nôtre, de tente, au milieu de ce woodstock péruvien, saoulés par le brouhaha des cornes, des chants, des casseroles, des flûtiaux.La nuit vient. La pleine lune illumine la vallée et tous (sauf nous parce qu'on est cassés et qu'on se sent un peu à part) continuent à chanter, à danser, à faire exploser des pétards énormes à déclencher des avalanches. On se réveille de temps en temps juste pour dire : "ils sont fous".

Toute la nuit des pèlerins sont montés beaucoup plus haut pour chercher des blocs de glace. Le lendemain, des groupes font encore l'ascension au glacier et nous les suivons au milieu de chants, de danses, de rituels qui s'accomplissent dans le désordre et la ferveur.

Arrêtons là notre aventure, ça suffira pour donner le ton et demandons nous, car il faut bien se le demander : qu'est-ce que c'est que ça ? Où sommes nous, pourquoi, comment, que se passe-t-il et surtout, qu'est-ce qu'il se passe, c'est quoi le Qollur Rit'i ???

C'est une cérémonie associée à la religion catholique, à la fertilité de la terre et à l’adoration des apus. C'est un métissage. C'est une des plus grandes festivités indigènes d’Amérique. Elle se passe à plus de 4000m, au pied du nevado Ausangate dont la cime est à 6372m.

La fête commence le jour de la Sainte Trinité. Plus de 10.000 pèlerins montent jusqu'à la limite des neiges éternelles. Les accompagnent divers groupes de danseurs dont les Ukukus (ours en qechua). Les Ukukus sont les gardiens du Seigneur de Qoyllur Rit’i (une pierre sur laquelle est apparu un Christ en croix), des apus (dieux incas) et des apachetas (monticules de pierres placées par les pèlerins en signe de péchés expiés). Ce sont eux également qui maintiennent la discipline pendant les actes liturgiques. S'ils partent vers le sommet, c'est à la recherche de l'Étoile des Neiges, enfermée dans ses entrailles. Les blocs de glace qu'ils portent sur leurs dos au retour sont destinés à arroser symboliquement leurs terres.

Tous se prosternent devant les croix qui ponctuent la montée jusqu’à l’église en suivant des bannières aux emblèmes religieux. Tous vénèrent l’image du Christ en croix. Et pourtant par leurs costumes, par leurs danses et par les rites perpétuant des croyances pré-colombiennes ils font de cette fête un mélange détonnant.

17 junio 2006

Pissarh, fous affez dit Pissarh ?

Et non, on n'est pas allé au Machu Picchu, on boude ! D'abord parce que le site est menacé par un afflux touristique disproportionné, ensuite parce que c'est ou cher ou compliqué, enfin parce qu'il y a d'autres sites incas (plus modestes) à visiter dans les alentours de Cuzco. Et nous on est allé voir Pisac (prononcer Pissarh) ! C'est sympa Pisac !

Oui on sait c'est incontournable le Machu Picchu... La prochaine fois, hein !

15 junio 2006

Cuzco, cuisine et pillage

Le jour du Corpus Christi est une grande fête à Cuzco. Des saints immenses sont portés hors de leurs églises respectives en procession et font le tour de la place principale. Ils ont chacun leurs fidèles supporters, leurs attributs et leur plat typique.
Ce jour là on déguste le Chiriuchu. Dans une même assiette 12 ingrédients, dont 9 nouveaux pour nos papilles : du cuy rôti (cochon d'inde, si si), ses intestins fourrés et frits, des algues, des oeufs de poissons (élastiques), de la poule (tiens ça on connait !), des beignets de farine de maïs, du fromage frais, du charki (viande de boeuf séchée), du choclo grillé (maïs crémeux qu'on n'a pas en France), de la saucisse et on ne se souvient plus quoi...! Pour accompagner on boit de la chicha, bière de maïs fermentée. Et après, une bonne sieste ! Ça la sieste c'est international !
La cuisine péruvienne est d'une diversité incroyable, pour ses modes de cuissons imaginatifs, ses nombreuses soupes et l'abondante variété de fruits et légumes. On ne peut pas la connaître en France, faute d'ingrédients, et c'est bien dommage !

Les bâtiments coloniaux de Cuzco sont souvent édifiés sur les bases de magnifiques murs incas, aux pierres si bien jointes qu'on se dit que les conquistadors n'ont pas su les démanteler.
Cuzco c'est un pillage, et la visite est amère. La plupart des habitants actuels sont ignorants de l'histoire, mais certains guides ont encore du mal à s'adresser aux espagnols. Car ils ont fait tomber les murs des palais à l'architecture précise, anti-sismique, et ces pierres à la taille parfaite, comme celles de Sacsayhuaman, ils les ont utilisées pour ériger des cathédrales et des églises qui s'effondrèrent au premier tremblement. Ils ont dépouillé les temples, fondu les épaisses plaques d'or qui en recouvraient les murs et sur lesquelles étaient sculptées en bas relief les bases de la cosmologie inca. On parle d'un jardin d'or. Des sculptures d'animaux, d'hommes, de plantes en or massif, fondues elles aussi et le précieux métal embarqué pour l'Espagne. Mais il y a bien pire : une civilisation entière étouffée sous la bure catholique. Et de quelle manière !
Et s'il faut regretter, ce n'est finalement pas la chute de l'empire inca, mais ce qu'il protégeait, les valeurs de base des civilisations pré-incas. Ce qu'il y avait avant, dessous, et qui peut être perdure, mais sous une forme grossière et affaiblie, dans les villages péruviens et boliviens : l'échange culturel avant la guerre, la communion avec la nature (cultures en terrasses à l'échelle humaine, sans surplus), le partage du travail et l'entraide. On peut rêver des solutions qu'auraient pu apporter ces peuples au monde contemporain sur les thèmes du travail, de la famille, de l'organisation sociale, de la justice, de l'économie.
L'empire inca, dont on parle tant, est le rassemblement de ces cultures sous un règne. Fût-il grandiose ce n'est, dans l'histoire, qu'un passé récent et limité. Cet empire si important est peut être finalement le faux pas, le point faible, la vanité qui a permis aux espagnols d'imposer si facilement notre façon de voir à des peuples qui avaient su envisager le monde autrement. Car les incas se sont mis à la tête des peuples andins et cette tête les espagnols n'ont eu qu'à la couper et à s'y substituer.

Comment une poignée d'hommes a-t-elle pu conquérir ces territoires ? Grâce à une chance incroyable et un esprit retord.

En 1433 les andes sont divisées et épuisées par une guerre fratricide. Pizarro débarque, à quelques jours près, vraiment au bon moment. Il se place dans le sillage des troupes d'Atahualpa, un des frères héritiers, qui marche sur Cuzco. Ce dernier est trop occupé par ses combats pour prêter attention à ces étranges individus. Bon, Atahualpa gagne la guerre. Pizarro lui tend un piège, l'enlève, demande en rançon des tonnes d'or et d'argent, les obtient, tue Atahualpa, entre dans Cuzco et met sur le trône un inca postiche. Le peuple organisé pour suivre la hiérarchie ne réagira que beaucoup plus tard et sera maté.
Ils étaient des milliers contre un conquistador, comment croire que les épées, la poudre, ou la cavalerie ont suffit à écraser un peuple ? Non, l'arme fatale aux incas c'est simplement le mensonge, la tromperie, des mots qui n'existaient même pas dans les langues indigènes.

C'est là que hop, tel le bondissant guanaco et fidèle à mon style échevelé mais décomplexé, je vous renvoie à la géopolitique actuelle et à notre responsabilité d'européens, yahoo.

Comme je le soutiens dans les discutions enflammées avec les locaux, le problème de la reconnaissance ne concerne pas seulement l'Espagne. L' exploitation passée des colonies fonde l'actuelle prospérité de nombreux pays européens (allez les bleus !). Autrement dit notre ascendant économique est le rejeton d'actes immoraux et contraires à nos chers Droits de l'Homme. Sommes nous prêts à le reconnaitre ? Les multinationales pillent encore aujoud'hui les richesses, rachètent les terres au mépris de la population locale. Nous avons vu les mines, nous avons vu les fleuves et les sols pollués, nous avons vu les paysans déboutés.
Et par je ne sais quel jeu tordu ce sont ces mêmes pays qui sont aujourd'hui en dette au niveau international ! N'y aurait-il pas une petite erreur ?

Comment accepter ces simples injustices : nous pouvons voyager et eux non, nous avons le pouvoir d'achat et eux non, l'accès aux soins et à la culture et eux non, et nous continuons à tirer partie de nos avantages. Le premier geste à faire depuis chez nous : une consommation responsable.

«Fini le pillage», c'est ce qu'a dit le président bolivien Evo Morales en annonçant le 1er mai la nationalisation du pétrole et du gaz. Les pontes de la Commission européenne ont fait savoir qu'ils étaient préoccupés par cette mesure et ont reproché à Morales de ne pas les avoir consultés au préalable. Le contrôle de ses propres minéraux est pourtant, selon le droit international, logique et légitime. Pour éviter tout malentendu, Morales a repris dans son décret des articles des traités des Nations Unies qui reconnaissent le droit souverain des pays à disposer de leurs richesses naturelles ¡ Vamos Evo !

Pour finir sur le thème : les péruviens réclament encore au musée Peabody de Yale (oui l'université) de restituer les objets sacrés du Machu Picchu, patrimoine conservé par les américains de façon autoritaire. Allez voir http://www.yale.edu/peabody/. Le pillage continue ?

13 junio 2006

Pinturas del Cuzco

Olinda, son mari Genaro et sa soeur Yasmina se sont lancés dans la peinture religieuse du style cuzqueño. Et ils sont bons, les bougres ! Nous sommes invités à l’atelier (en fait la cour de leur maison) pour discuter le coup. Comme depuis la journée en famille on rigole bien en prenant plein de photos, on en refait quelques unes avec lesquelles on leur fait un blog :
http://pinturasdelcuzco.blogspot.com
Vous pouvez y laisser un commentaire, même en anglais, pour les encourager... Ou pour passer commande ! Nous on est repartis avec cette toile du feu de dieu représentant l’archange Ariel… Ça va taper dans notre futur… quelque chose où on va habiter.

Olinda, Genaro et Yasmina

10 junio 2006

Café pur, pur cacao !

Tous les matins on prend 20 minutes pour se filtrer un café avec nos moyens rudimentaires (on vous présentera “le slip”). On invite systématiquement Olinda (qui travaille dans l’hospedaje où on a atterrit) à le partager devant le premier match du mondial (à 8h du mat). Comme sa mère, Asunta, revient de la chacra / terrain cultivé qu’ils ont entre Cuzco et le bassin amazonien chargée de grains de café et fèves de cacao pour les moudre, elle nous propose de passer chez elle. On profite de l'occasion pour organiser un almuerzo / déjeuner familial. On est chargés d’amener les pommes de terre et on halucine au marché : il y en a plus de 15 variétés !
Pour l’occasion ils construisent un four avec des fragments d’adobe, font prendre un feu à l’intérieur, jettent nos patates dans la braise et détruisent tout pour une cuisson d’une heure “à l’étouffée”.
On a droit aussi à une soupe typique, le chairo, à base de yuca (tubercule en photo plus bas), coriandre, blé, fèves, tripes de vache et charki, viande séchée. Très bon !
En parallèle on assiste à l’élaboration du café et du cacao, on moud à tour de rôle et on rigole bien devant le défilé de fruits et légumes disproportionnés qui viennent de la chacra.

Ça fait chaud au coeur de s’entendre aussi bien avec cette famille ! On se revoit avec plaisir au cour de la semaine et la séparation est difficile.

Au fait, on revient avec plus de 2 kg de café et une grosse plaque de chocolat 100% ! Avis aux amateurs...