18 junio 2006

Qollur Rit'i, l'Etoile des Neiges

Au détour d'une conversation dans une agence de Cuzco on retient les mots Qollur Rit'i. Devant l'église San Pedro à la nuit tombante on est pris dans un défilé des plus étranges : costumes et danses mêlés aux passants, épis de maïs surgissant de la foule en signe de remerciement pour la récolte, porteurs de fouets, étendards, idoles en procession.
C'est sûr Cuzco nous a habitué à ce genre de surprise : on prépare les fêtes du solstice d’été et partout on répète les pas de danse au son de la flûte de pan. Sur les parvis des jeunes femmes aux rubans s’exercent en ronde, et dans de sombres cours d'immeubles on a la vision d'hommes masqués en costume de bureau.
Cette fois ce n'est pas une répétition. Un pèlerinage métisse est sur le départ. Où vont-ils ? On lit sur les banderoles et dans le dos des danseurs : Qollur Rit'i.

C'est décidé, un matin, entre costumes et cierges, nous prenons le bus qui se rend sur les lieux. Route impeccable : 20km/h maxi dans un champ de bosse qui s'étire en lacets périlleux. Les cuzqueños en route pour la croisade balancent par les fenêtres des poupées, des bonbons aux enfants des villages isolés qui se regroupent sur la route, les mains tendues, en criant "dame /donne-moi" ! Visages d'enfants exultants, haineux, déçus, souriants, rêveurs, implorants, moqueurs ou calmes.
Village en ébullition dans lequel nous ne nous attardons pas, nous attrapons nos sacs et le premier sentier pour le sanctuaire. Déjà on entend le tambour, au loin. Un groupe de musiciens se forme, en bas. Ils nous rejoignent, grimpent avec nous puis nous dépassent, soufflants et tapant sans s'épuiser.Nous surplombons une vallée dans laquelle des files interminables de marcheurs se rejoignent pour la procession.

Les tambours résonnent. Les gens ou les bêtes portent des fardeaux énormes (des caisses, des sacs hétéroclites, des structures qui pourraient ressembler à des croix). Les mélopées en boucle des flûtes, trompettes et trombones suivent le battement des tambours mais l’écho rend tout approximatif.
Il pleut mais chacun se prosterne aux stations qui ponctuent le parcours. Gare au fouet pour celui qui ne se découvre pas !
Nous arrivons dans une véritable ville festive dressée pour l'occasion, traversons des étals de babioles où l'on vend pour deux soles des maisons miniatures, des bus ou des voitures en plastique, de fausses liasses de dollars. Tout ça est destiné à aller se faire bénir un coup à l'église qu'on aperçoit plus loin au milieu de la cohue. On traverse des rues composées de chapiteaux et d’auvents où l'on mange, où l'on dort, où l'on se change à l'abri de la pluie et de la boue.

Le hennissement des chevaux donne un peu l’ambiance d’une armée en déroute.
Un panneau : altura/altitude 4200 m.
Et puis...des milliers de tentes couvrent le flanc des montagnes. Nous, hallucinés : ailleurs.

On trouve un petit coin pour poser la nôtre, de tente, au milieu de ce woodstock péruvien, saoulés par le brouhaha des cornes, des chants, des casseroles, des flûtiaux.La nuit vient. La pleine lune illumine la vallée et tous (sauf nous parce qu'on est cassés et qu'on se sent un peu à part) continuent à chanter, à danser, à faire exploser des pétards énormes à déclencher des avalanches. On se réveille de temps en temps juste pour dire : "ils sont fous".

Toute la nuit des pèlerins sont montés beaucoup plus haut pour chercher des blocs de glace. Le lendemain, des groupes font encore l'ascension au glacier et nous les suivons au milieu de chants, de danses, de rituels qui s'accomplissent dans le désordre et la ferveur.

Arrêtons là notre aventure, ça suffira pour donner le ton et demandons nous, car il faut bien se le demander : qu'est-ce que c'est que ça ? Où sommes nous, pourquoi, comment, que se passe-t-il et surtout, qu'est-ce qu'il se passe, c'est quoi le Qollur Rit'i ???

C'est une cérémonie associée à la religion catholique, à la fertilité de la terre et à l’adoration des apus. C'est un métissage. C'est une des plus grandes festivités indigènes d’Amérique. Elle se passe à plus de 4000m, au pied du nevado Ausangate dont la cime est à 6372m.

La fête commence le jour de la Sainte Trinité. Plus de 10.000 pèlerins montent jusqu'à la limite des neiges éternelles. Les accompagnent divers groupes de danseurs dont les Ukukus (ours en qechua). Les Ukukus sont les gardiens du Seigneur de Qoyllur Rit’i (une pierre sur laquelle est apparu un Christ en croix), des apus (dieux incas) et des apachetas (monticules de pierres placées par les pèlerins en signe de péchés expiés). Ce sont eux également qui maintiennent la discipline pendant les actes liturgiques. S'ils partent vers le sommet, c'est à la recherche de l'Étoile des Neiges, enfermée dans ses entrailles. Les blocs de glace qu'ils portent sur leurs dos au retour sont destinés à arroser symboliquement leurs terres.

Tous se prosternent devant les croix qui ponctuent la montée jusqu’à l’église en suivant des bannières aux emblèmes religieux. Tous vénèrent l’image du Christ en croix. Et pourtant par leurs costumes, par leurs danses et par les rites perpétuant des croyances pré-colombiennes ils font de cette fête un mélange détonnant.

3 Comments:

Anonymous Anónimo said...

Le bout de l'humanité qui pourtant n'a pas de limites.

des bisoux, merci pour ce voyages de 9 mois en votre compagnie,

a très vite

m

11:40 p. m.  
Anonymous Anónimo said...

AMERICA DEL SUR

R
E
S
I
S
T
E

CARAJO!

SALUD

7:33 a. m.  
Anonymous Anónimo said...

ey te llegan los mails

8:47 a. m.  

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